La femme, source d’inspiration : Feu Farid Belkahia, artiste peintre
“Farid Belkahia aimait les femmes et tenait à en témoigner à travers ses œuvres. Il a d’ailleurs fait de l’évocation du corps féminin la matrice métaphorique centrale de ses créations.
Dans sa quête d’une modernité artistique rompant avec les normes esthétiques occidentales alors imposées, mais aussi se démarquant de l’hypocrisie moralisante de la société traditionnelle marocaine, Farid Belkahia élabore, par divers détours, un langage plastique, sensuel et rituel du corps oublié ou censuré. J’ai eu la chance d’assister au façonnage de ses œuvres dans l’intimité de son atelier, où l’artiste tanne la peau d’agneau, son matériau de prédilection, l’assouplit et l’affine jusqu’au diaphane, puis l’étire sur des fonds de bois découpés en des formes aux courbes voluptueuses et aux lignes épurées. Viennent enfin s’y inscrire des tatouages au henné et au safran qui finissent par les sublimer.
J’ai pu écouter le frottement de la main de l’artiste sur la peau tendue, le polissage du contour du bois découpé et l’essuyage délicat des résidus du henné séché pour l’ultime finition, la matière parfaitement lisse appelant la caresse. Au fil de ce rituel, les formes se laissent entrevoir, les courbes se dessinent, les signes s’inscrivent et l’œuvre naît d’un corps à corps éprouvant et magnifique. Des œuvres sensuelles qui rendent hommage à la plénitude du corps féminin et portent des titres évocateurs tels que Malhoun, Transe ou encore Procession, et qui mettent en exergue l’amour, la spiritualité et le mouvement qui sont pour Farid Belkahia la source de son inspiration artistique et son mode de célébration de la vie.”
Par Brahim Alaoui, ex-directeur du musée de l’Institut du Monde Arabe.